Chez Google, la « grande marche » de 2018 a permis des avancées mais des tensions persistent


« Walk Out » des employés de Google, à New York, le 1er novembre 2018.

Tanuja Gupta garde un souvenir ému du « Walk Out », qu’elle a coorganisé au sein de Google le 1er novembre 2018 : ce jour-là, avec près de 20 000 autres employés du géant du numérique, elle a marché contre le harcèlement sexuel et pour les droits des femmes. A New York, où elle se trouvait, mais aussi au siège de Google, en Californie, à Singapour, à Londres, à Zurich ou à Toronto, les protestataires sont sortis de leurs bureaux pour battre le pavé. Une manifestation inédite pour un fleuron de la « tech » qui comptait déjà 85 000 employés mais restait très étranger à toute culture syndicale. « Cela a été le début d’un mouvement », se rappelle Mme Gupta, qui à l’époque était cheffe de projet au service Google Actualités.

Sur les pancartes des salariés de Google, on pouvait lire « Don’t be evil », un clin d’œil au slogan de l’ancienne start-up californienne jurant de « Ne pas faire le mal ». Ou encore : « Parlez fort, osez parler », ou « Je quitterais l’entreprise avec plaisir pour 90 millions de dollars – pas besoin de harcèlement sexuel. » Une référence au scandale qui a déclenché le Walk Out : quelques jours plus tôt, le New York Times avait révélé que le dirigeant Andy Rubin, père du système Android, avait quitté l’entreprise en 2014 avec un généreux chèque et les hommages de la direction, alors qu’il était soupçonné d’agression sexuelle : une employée avec qui il entretenait une relation extraconjugale l’avait accusé de l’avoir forcée à pratiquer une fellation dans une chambre d’hôtel – ce qu’il niait. Selon le quotidien, un autre cadre mis en cause dans une autre affaire était parti avec un chèque et un autre avait été promu.

La discrétion de Google sur ces cas gênants a été associée à une pratique : « l’arbitrage forcé ». Dans la plupart des entreprises, il rendait obligatoire, pour un salarié portant une plainte pour harcèlement sexuel, de passer par une médiation, avec une transaction. La victime renonçait à aller devant les tribunaux et signait une clause de confidentialité.

Sans apaiser l’indignation

« Mettre fin aux arbitrages forcés était une des premières revendications du Walk Out », raconte Mme Gupta, qui s’est spécialisée sur cette cause. En réaction, dès le 1er novembre 2018, le PDG Sundar Pichai a assuré être « profondément désolé pour les actions passées ». Et début 2019, Google a mis fin à ces procédures. « Ensuite, tout un mouvement national s’est construit contre cette pratique, raconte Mme Gupta, rejointe dans sa lutte par Gretchen Carlson (qui a porté plainte pour harcèlement sexuel à Fox News), ou Susan Fowler (qui a dénoncé la culture toxique chez Uber). Finalement, nous avons réussi à la rendre illégale ! Cela a pris cinq ans. » L’activiste était à la Maison Blanche en mars, quand Joe Biden a signé la loi interdisant ces arbitrages. « C’est un grand pas. Mais cela reste un premier pas. Il y a encore tant à faire », soupire-t-elle.

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